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« Le manque d’argent, ce n’est rien… »

Portrait d’une réfugiée de la région des Palmes

« Je n’ai pas les moyens, j’ai tout perdu avec le séisme », déclare Germaine Clercilien, une réfugiée vivant depuis le lendemain du 12 janvier 2010 sous une tente au parc Gérard Christophe, ancien terrain du plus important club de football de la ville de Léogâne.

Avant le séisme, Clercilien, mère de 6 enfants, payait le loyer d’une petite maison.

Maintenant, elle vit dans une tente exigüe, un petit espace d’environ 8 m2 encombré des quelques possessions qu’elle a pu rescaper du séisme dont ses habits, son seau et ses 2 matelas.

« Comment me sentir à l’aise, alors que je ne suis pas chez moi ? »,  déclare Clercilien, à peine tirée de son sommeil, sous la tente où elle vit avec trois de ses enfants.

Et ses autres enfants?

« La maison est trop petite. Je suis obligée d’envoyer les trois autres chez une amie et chez une sœur », souligne-t-elle.

Comme il n’y a pas des douches, elle  se dit obligée de se doucher « quasi nue, en plein air » à côté de sa tente.

« La situation dans le camps, c’est qu’on est là… Les latrines sont horribles, les moustiques nous embêtent », se plaint Clercilien.  « Les latrines ne sont pas bien entretenues. Les odeurs nauséabondes nous font mourir ».

Une journaliste de AKJ parle avec Germaine Clercilien devant son abri.

Au lieu d’utiliser les quelques cabinets encore en service, les réfugiés préfèrent disposer de leurs déjections dans des sacs de plastique qui s’amoncèlent aux abords du camp.

Pendant plusieurs mois, les latrines du camp ont été maintenues en état grâce à l’organisation humanitaire américaine « Save The Children ». Mais voilà que les fonds se sont épuisés, la distribution d’eau et l’évacuation des déchets (ce qu’on appelle « desludging » en anglais) ont cessé, et il ne reste plus aujourd’hui de l’organisation, que le logo sur les portes souillées des latrines malodorantes et inutilisables.

En effet, depuis mars le Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) des Nations-Unies a sonné l’alarme au niveau national.

Dans leur « Bulletin Humanitaire » du 10 au 25 mars,  2011, l’OCHA a averti : « La plupart des fonds de nos partenaires affectés aux systèmes sanitaires, à la livraison d’eau et à la gestion des camps seront épuisés avant juin 2011. »

Toujours selon l’OCHA :

« Advenant l’abandon de l’entretien des installations sanitaires, il y aura une hausse de la défécation en plein air, du transport d’excréments aux mauvais endroits, de la propagation du choléra et de l’insécurité, notamment pour les femmes ne trouvant pas d’endroit privé pour se soulager. »

Schéma du Bulletin Humanitaire d’OCHA

En dépit de ce constat graphique, sombre et potentiellement fatal, les acteurs se sont retirés.

Une étude datée de mars a constaté que :

  • Seuls 48 % des résidants des camps ont quotidiennement accès à de l’eau potable en quantité suffisante.
  • Seulement 61 % de cette eau est correctement traitée au chlore, ce qui laisse planer des risques de contamination par le choléra.
  • En moyenne, une seule installation sanitaire dessert 112
  • Le nombre de camps munis d’installations pour se laver les mains est maintenant tombé à 18 %.

Ces statistiques sont encore plus alarmantes pour les camps de Léogâne. Ici, 179 personnes se partagent chaque latrine et seulement 20 % de l’eau consommée est traitée au chlore.

Et ce, malgré qu'Haïti vit toujours « au temps du choléra ». Environ 386 personnes sont hospitalisées chaque jour et en date de 8 août 2011, 426 785 personnes avaient été touchées et au moins 6169 avaient péri.

Les cas de choléra dans les camps de Port-au-Prince où il y avait un "Oral
rehydration post," 27 décembre 2010 - 5 juin 2011.
Source: OIM

Nul ne saurait soupçonner cette réalité en visitant le site internet de Save the Children.

Le géant humanitaire s’y vante plutôt d’ « assurer les services sanitaires et la distribution d’eau pour une centaine de camps avec des réservoirs d’eau communautaires, les toilettes portatives, les installations pour le lavage des mains, les douches et la livraison d’eau par camion ».

Évidement, le parc Gérard Christophe ne figure pas sur leur liste.

Avant la catastrophe, Clercilien était commerçante. Elle vendait des produits dans la rue. Impossible aujourd’hui de trouver les montants qu’il lui faut pour se repartir en affaire.

Mais, « le manque d’argent ce n’est rien. Le pire c’est quand les moustiques et le soleil nous rendent la vie dure », s’indigne la réfugiée.

Ce qu’elle aimerait qu’on fasse pour elle, c’est lui  « donner une maison », puisqu’elle dit ne pas avoir les moyens économiques d’en louer une. Elle souhaite aussi exploiter un commerce et envoyer ses enfants à l’école.

Mais voilà, Clercilien n’est pas propriétaire de terrain, ce qui l’empêche d’être admissible à l’obtention d’un « T-Shelter » [Voir : « On transite vers quoi? »].

Le drame de Clercilien, dix-sept mois après le séisme, c’est celui de 634 000 personnes déplacées dans 1001 camps comme celui du parc Gérard Christophe, qui ne cessent de réclamer leur relocalisation et leur relogement.

Quel est donc leur avenir ?

 

Voir « On transite vers quoi? » 

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