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Le Système "Cluster" en Haïti

Quand il y a une catastrophe humanitaire, les Nations Unis mettent en œuvre les "Clusters" – qui sont les groupements des "agences de l'ONU, des organisations non-gouvernementales (ONG) et d'autres organisations internationales autour d'un secteur ou d’un service fourni au cours d'une crise humanitaire," selon le site Web de la Mission Intégrée des Nations Unies au Timor-Leste.

Le système de Cluster a été mis en œuvre à partir de 2009 par Inter-Agency Standing Committee (IASC) ("Comité Permanent Inter-Agences"), un mécanisme de coordination des Nations Unies.

En Haïti il y a 12 Clusters qui sont constitués d'environ 40 à 60 agences et ONGs. [Page avec liens à tous les "Clusters"]

Immédiatement après le 12 Janvier, il y avait jusqu'à 70 à 80 réunions de Clusters chaque semaine, presque toutes à la "Log Base" – la Base Logistique de l'ONU non loin de l'aéroport. Maintenant il y a 40 à 50 par semaine, principalement au niveau des villes. [Par exemple, les réunions de 11 au 15 octobre 2010 sont ici.]

Réunion du Cluster Logement

Bien que la coordination de chaque Cluster est assurée par une grande ONG ou un organisme multilatéral, après la phase d’urgence, les ministères et organismes locaux sont censés prendre la relève, afin qu'ils puissent coordonner et éventuellement diriger les agences et les ONG internationales.

Mais en Haïti "cela n'a pas été le cas," selon Jolanda van Dijk, coordonnatrice de "Inter-Cluster" en Haïti, qui travaille pour le Bureau des Affaires Humanitaires, OCHA.

Au lieu de cela, au niveau national tout au moins, le gouvernement haïtien a été lent à intégrer le processus.

Parfois, c'est parce que il n'y a pas un organisme haïtien spécifique qui puisse se charger du domaine auquel se consacre un Cluster. Par exemple, tandis que le ministère des Affaires Sociales a un département pour petits logements, il n'y a pas de "ministère du Logement." Il n’existe pas non plus un ministère spécifique qui pourrait intervenir dans le domaine de la "coordination de camp et de la gestion de camp."

Van Dijk a dit que les Clusters partagent aussi une partie de la faute.

"A quelques mois de la catastrophe, nous avons réalisé que Log Base est comme une île. Il est très loin, il est très isolé," dit-elle.

Les soldats de l'ONU restreignent également l'accès et les Haïtiens invités au réunions etaient régulièrement refoulés.

Une vue de Logbase

Maintenant, de nombreux Clusters organisent des réunions à l'échelon municipal, mais l’examen des procès-verbaux publiés en ligne, et les enquêtes sur le terrain indiquent que, dans la plupart des Clusters, les ministères ou les agences nationales ne sont pas encore en charge.

L'unique exception est le Cluster "Eau, assainissement et hygiène" (WASH), considéré par tous – van Dijk, le personnel du Cluster et les Haïtiens qui s’y connaissent – comme "le meilleur" Cluster. Les rencontres sont coordonnées par un membre de la Direction Nationale de l'Approvisionnement en Eau et l'Assainissement (DINEPA) et elles sont tenues dans la cité ou la ville concernée.

Mais en général, la transition vers les ministères a été beaucoup plus lente en Haïti que dans d'autres pays, a déclaré van Dijk.

Une des raisons qui l’explique est l'ampleur de la catastrophe et le fait que "sept des 11 ministères se sont effondrés," a t-elle noté.

Mais une autre raison pourrait être le fait que de nombreuses réunions sont toujours organisées en anglais à la Logbase, selon Pierre Gary Mathieu, directeur de la Coordination Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA), entité dépendant du Ministère de l'Agriculture.

"Je n'irai plus [à ces réunions] parce que je suis en Haïti, et je ne peux pas accepter que les étrangers assurent la coordination des Clusters," dit Mathieu à Ayiti Kale Je.

Mathieu a convenu que le gouvernement n'avait pas la capacité de coordonner tous les organismes et les ONG tout de suite après le tremblement de terre. Mais maintenant, dit-il, "il est temps pour le gouvernement de prendre la relève... Les décisions stratégiques doivent être prises par l’Etat, et les ONG peuvent suivre cette stratégie."

Bien sûr, le gouvernement doit accélérer le processus aussi, a noté Mathieu.

"Les Clusters sont utiles, ils permettent aux gens de partager l'information, a t-il ajouté. "Mais le gouvernement national doit prendre le contrôle maintenant."

Un récent mémorandum de Tania Bernath, qui travaille avec van Dijk au bureau de Inter-Cluster de l'OCHA, indique que certains pensent que les ministères ne sont pas à la hauteur.

Le document, intitulé "Draft Transitioning the clusters," daté du Septembre 28, fait le tour des 12 Clusters et fait une évaluation de la participation entre ces organismes et le gouvernement. Le gouvernement semble "ne pas comprendre le système dans la plupart des clusters," note le document.

"De nombreux exemples de manque de coordination, au sein du gouvernement et entre le gouvernement et les cluster, à différents niveaux ..."

En ce qui concerne le Cluster Protection qui est lié aux droits humains, il y a "très peu d'interaction avec les structures gouvernementales."

Quant au Cluster Camp Coordination and Camp Management ("coordination de camp et gestion de camp", )il y a un "manque de participation des pouvoirs publics nationaux dans le groupe," note le document.

"Nous voulons vraiment que le gouvernement haïtien soit impliqué," a dit van Dijk à Ayiti Kale Je.

Les semaines et les mois à venir diront si, et comment, l'intégration planifiée et un éventuel transfert aux autorités gouvernementales aura lieu.

Les critiques de Mathieu et d'autres ressemblent à des critiques antérieures qui émanait du même bureau qui a lancé le System Cluster il ya un an.

Il y a trois mois, dans son rapport de six mois à la suite du séisme, le IASC, a noté que "l'engagement de la communauté humanitaire internationale avec la société civile haïtienne et les autorités locales, et leur inclusion dans les mécanismes de coordination commun" aurait pu être amélioré.

Le rapport a noté que si cela "s’était réalisé d'une manière plus systématique, cela aurait considérablement amélioré la compréhension de la communauté humanitaire du contexte opérationnel, et contribué à une disposition plus durable de l'aide, ainsi qu’au renforcement des capacités locales et nationales." [Télécharger le rapport]

Trois mois ont passé, mais il semble que les Clusters ont encore du chemin à faire.

[Pour une autre critique: l'evaluation du Global Public Policy Institute, disponible en français]

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