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Tuesday
Nov292011

HAITI – OUVERTE AUX AFFAIRES

« Haïti est ouverte aux affaires. »

C’est ce que le Président Michel « Sweet Micky » Martelly a affirmé le 28 novembre dans une cérémonie de pose de première pierre d’un géant parc industriel dans le nord-est d’Haïti.

Le Président Michel Martelly disant Haïti est « ouverte aux affaires » lors de
l'inauguration du PIRN le 28 novembre 2011
. Photo: Page Facebook Michel Martelly

En Haïti comme dans d’autres pays du monde, Martelly, son gouvernement, et ses “conseillers” comme l’ancien président américain Bill Clinton, font la promotion d’Haïti comme un rêve devenu réalité.

« Nous sommes prêts pour de nouvelles idées et de nouvelles entreprises, et nous créons les conditions nécessaires pour qu'Haïti devienne une destination naturelle et attrayante pour les investissements étrangers », a-t-il déclaré lors d’une rencontre avec des investisseurs étrangers à New York en septembre dernier.

« La fenêtre d'opportunités est maintenant ouverte », ajoutait l’un de ses collaborateurs. « Haïti a un nouveau Président et une nouvelle façon de penser les investissements étrangers et la création d’emplois ».

Le Président est peut-être nouveau et il y a peut-être de nouveaux acteurs sur la scène, mais il n’y a pas grand-chose de neuf dans les plans. Une fois de plus, le gouvernement et le secteur privé haïtien, comme leurs patrons internationaux, vantent l’« avantage comparatif » des salaires de misère.

Les usines d’assemblage et les zones franches font partie du programme de « développement » d’Haïti depuis des décennies. Maintenant qu’ils ont accès à des milliards en financement, en prêts et en investissements privés, les gouvernements haïtien et étranger, et le secteur privé, sont en train de développer toute une série de zones manufacturières dans le cadre de la « reconstruction » du pays.  

Pire, ils ont choisi une terre agricole fertile pour présenter leur projet modèle : un parc industriel géant, lourdement financé par les contribuables américains avec 124 millions $ US. Dans six mois, la grande compagnie de textiles Sae-A Trading, de la Corée du Sud, ouvrira ses portes. Pour ses eaux usées, ses usines utiliseront une rivière qui se déverse dans la fragile Baie de Caracol. En plus des dangers potentiels pour l’environnement haïtien déjà dévasté, cette nouvelle méga-usine coudera des millions des vêtements pour Wal-Mart, Target, GAP et autres chaines de vêtements américaines, ce qui probablement mettront plus d'ouvriers américains au chômage.

Aucun grand média, en Haïti ou à l’étranger, n’a couvert ces phénomènes ni d’autres qui ont été présentés comme une occasion « win-win » (« gagnante-gagnante ») pour les investisseurs étrangers et le peuple haïtien. En effet, plusieurs journalistes sont presque des promoteurs.

Mais dans la « nouvelle » Haïti il y aura assurément des gagnants et des perdants.

Ayiti Kale Je (AKJ) a passé des mois à enquêter, à mener plus de trois douzaines d’entrevues, à visiter des zones manufacturières et des travailleurs dans le nord-est et dans la capitale, et à analyser des douzaines de publications universitaires et de rapports, dont un document interne divulgué par un employé du Ministère de l’Environnement d’Haïti.

AJK a notamment constaté que : 

•    Les ouvriers gagnent moins aujourd’hui que sous la dictature Duvalier.

•    Plus de la moitié du salaire quotidien est dépensée dans le repas et les frais de transport.

•    Haïti et ses voisins ont tous essayé le modèle de développement des usines d’assemblage, en obtenant rarement les résultats attendus.  

•    On compte au moins six zones franches ou parcs industriels en développement pour Haïti.

•    Le nouveau parc industriel du nord comporte des coûts et des risques : de grands mouvements de la population, une plus grande pression sur la nappe phréatique, la perte de terres agricoles et il sera construit en bordure d’une zone qui allait être classée « aire marine protégée ».

POUR EN APPRENDRE DAVANTAGE, LIRE :

1 – Salaires dans la « nouvelle » Haïti

2 - Anti-syndicalisme, pro-« course vers le bas »

3 - Pourquoi Haïti est si « attrayante»?

4 - Quel est le plan pour Haïti?

5 - Tremplin ou cul-de-sac? L’expérience des autres pays

6 – Le cas de Caracol

7- Le parc industriel  de Caracol : Une situation « gagnante-gagnante » pour tous?

Note au lecteur : les articles 6 et 7 sont plus longs que les autres parce qu’AKJ a décidé d’y résumer des centaines de pages d’études ignorées des journalistes, jugeant qu’il était dans l’intérêt du public d’assurer à tous un accès à cette information cruciale. Nous sommes reconnaissants de votre patience. Les liens pointent vers les sources primaires d’information.

REGARDER :

 

Thursday
Nov032011

Cinq ans pour une goutte d’eau

Port-au-Prince, le 4 novembre 2011 – Cent millions de gourdes (2,5 millions $US) pour donner de l’eau à plusieurs quartiers marginaux de la capitale. Approuvé en 2006. Mais, cinq ans plus tard, l’eau ne coule pas encore. Les enfants sont toujours dans les rues, portant bouteilles et sceaux.

C’est presque fini. « La fin du mois d’octobre » d’après le bailleur. Mais pas encore.

Pourquoi? Et pourquoi ces cinq ans? Ayiti Kale Je (AKJ) et les étudiants de la Faculté des Sciences Humaines ont investigués.

Liquide inévitable, fardeau inéluctable

Il y a un nouveau réservoir, des tuyaux et plus d’une douzaine des kiosques, mais la population des quartiers pauvres de la zone de Debussy et de Haut Turgeau est toujours obligée de marcher de longues heures pour avoir accès à cette ressource indispensable à la vie. Dans leur calvaire quotidien, des adultes et enfants – qui par fois ont seulement cinq ou six ans – passent devant de kiosques à sec.

Tercy, un universitaire, vit à Cité Georges, un des quartiers misérables et informels de Turgeau. Il partage une petite maison en béton avec sa sœur. Entre autres activités quotidiennes, Tercy (qui ne voulait pas donner son nom de famille) se dit contrainte de partir de très tôt à la recherche de l’eau pour la maison, avant de se rendre à la faculté.

 « Je suis parti de chez moi à 5h45 pour aller chercher ces deux gallons d’eau, maintenant il est quasiment 7h », poursuit-il, en s’essuyant le front en sueur. C’est seulement après ce long périple qu’il peut prendre un bain et se préparer pour se rendre à la salle du classe.

Un enfant durant un de ses multiples voyages
quotidiens.
[Photo - James Alexis]

Emmanuel Lima, qui porte un seau rempli d’eau sur la tête, exprime les mêmes difficultés. Faisant allusion au projet de l’eau inachevé, il affirme que « ce serait une bonne opportunité pour le quartier, sauf qu’on a pris trop de retard dans son exécution ».

« Dans ce pays, les [décideurs] sont trop négligents. On ne s’occupe pas de ce qui est important. Tout le monde veut s’enrichir », s’indigne cet homme de 42 ans.

Lima et Tercy font partie des deux tiers de la population de la zone métropolitaine de Port-au-Prince qui sont contraints d’aller chercher de l’eau à l’aide de seaux, selon les chiffres (2002) de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique.

L’Union Européenne et le cadeau de l’eau 

En 2006, l’Union Européenne (UE) a donné son feu vert à un projet d’eau pour Debussy et Turgeau, zones peuplées d’environ 25 000 personnes qui croupissent dans des chaumières, situées pour la plupart sur des pentes dangereuses.

Les éléments principaux du projet:

• un nouveau réservoir sur les hauteurs de Debussy ;

• un système de connexion entre le réservoir de Debussy et celui de Haut Turgeau ;

• une pompe pour le réservoir de Haut Turgeau ;

• 19 kiosques dans différentes zones ;

• des tuyaux reliant le nouveau réservoir et les kiosques.

Une carte montrant les réservoirs de Turgeau at de Debussy, ainsi la zone (encerclée en jeune) bénécifiare.

La supervision de la mise en œuvre du projet a été assurée par les trois entités suivantes : 

L’État - La Centrale Autonome Métropolitaine d’Eau Potable  (CAMEP), aujourd’hui appelée Direction Nationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement (DINEPA)

L’UE - L’Unité Technique des Programmes  de Réhabilitation (UTPR);

• Une « organisation non gouvernementale » (ONG) française, le Groupe de Recherche et d'Echanges Technologiques (GRET), œuvrant dans le domaine de l’eau en Haïti depuis 1995.

D’après Benoist Bazin, Chef de Section Infrastructure de l’UE, le coût total du projet s’élève à près de 100 millions de gourdes (2,5 millions $US). Un quart – 25 millions – a été dépensé sur le nouveau réservoir, et 75 millions pour la réhabilitation du réseau par deux firmes privés, et “l’accompagnement social” réalisé par le GRET.

Maxo Saintil, un professeur habitant dans la zone de Haut Turgeau, fait partie des gens qui avaient demandé à l’Etat de construire un système d’eau en vue de soulager la misère de la population, cela fait plus de cinq ans.

En 2006, il a été content d’entendre que le projet avait été approuvé.

« La réalisation de ce projet constituerait une victoire pour nous, les initiateurs, et un gain pour la population qui va bénéficier de ce service », a-t-il dit à AKJ.

Mais entre l’approbation et le commencement des travaux, trois ans ont écoulé.

« Le projet a démarré en janvier 2009 » a souligné Saintil.

Et 34 mois plus tard, le projet n’est toujours pas terminé. Les raisons sont plusieurs… et une interrogatoire permet aux lecteurs non seulement d’apprendre « le pourquoi », mais aussi, d’apprendre plus sur comment peut fonctionner l’« aide au développement » en Haïti.

Le problème des études

Au départ, la CAMEP, l’organisme étatique requérant l’appui financier, n’a pas effectué d’étude approfondie ni appropriée.

D’après Robenson Jonas Léger, coordonnateur de l’UTPR de l’UE, le dossier de la CAMEP était « incomplet ».

« Il a fallu commanditer une étude complète du réservoir », écrivait Léger à AKJ dans un courriel.

La première étude recommandait un réservoir de 1200 m3. Cette dernière et une étude géotechnique ont coûté 246 093,63 gourdes (6 152,34 $US).

Selon Léger, la CAMEP a validé cette étude, mais au moment de la mise en œuvre, la supervision a fait valoir certaines préoccupations puisqu’elle n’avait pas prévu la possibilité d’un séisme. Le réservoir proposé devait être élevé au-dessus du sol sur des supports.

« Nous étions en 2007, et cela a été une bonne anticipation du séisme du 12 janvier 2010 », notait Léger.

La deuxième étude a coûté 343 440 gourdes (8 586 $US) et a été finalisée le 19 mars 2008, soit deux années après l’approbation. La deuxième étude préconisait la réduction de la taille du réservoir, de 1200 m3 a 900 m3,  « pour rester dans les limites budgétaire disponibles », selon les propos de Léger. L’étude recommandait un réservoir posé au sol, qui est plus cher.

Le nouveau réservoir de Debussy. [Photo - WASH Cluster]

La firme TECINA a signé le contrat de réalisation et de construction, pour un montant évalué à 24 073 324,22 gourdes (601 833 $US), soit un quart du budget total. Mais le travail ne commence pas immédiatement.

« Les travaux ont démarré un an après la signature des contrats » raconte Jean Ledu Annacacis, un travailleur social dans l’organisation GRET. S’il se souvient bien, en mars 2009.

Neuf mois plus tard, en décembre 2009 d’après Léger, les travaux ont été presque terminés. Mais, pas encore.

L’eau ne coulait toujours pas. 

Une kiosque avec des robinets à sec. [Photo - James Alexis]

Retards dans le décaissement

Selon tous les acteurs, il y a également eu un retard dans le décaissement des fonds, ce qui a reporté la fin du projet.

L’ingénieur Raphael Hosty, directeur du bureau de la DINEPA (qui remplace la CAMEP) pour le département de l’Ouest, a confié à AKJ que la durée du projet devait être de 18 mois au total, et que même les deux études requises ne pourraient retarder le projet. Selon Hosty, la TECINA et les autres compagnies ont cessés de travailler en décembre, 2009, parce que les paiements ne coulaient pas.

Chandler Hypolite, un agent de terrain pour GRET, soutienne que les comités de quartiers – chargés avec la gestion des kiosques – étaient prêts à commencer à la fin du mois de décembre, également.

Mais le travail arrêta.

« Les compagnies qui travaillent dans le projet ne reçoivent plus d’argent », affirme-t-il. « Elles ont refusé de travailler... Le projet s’est arrêté avant le séisme du 12 janvier 2010 ».

De même pour Annacacis de la GRET.

« Je sais que [les firmes] n’ont pas reçu l’argent pour finaliser leurs travaux », a-t-il souligné.

L’UE admet les retards.

 « Il n’y pas eu de problème de financement », a déclaré Léger de l’UTPR. « Il peut y avoir eu un retard de paiement… parce qu’entre temps, on a dû changer de système d'informatique contact, ce qui a retardé le traitement de certains dossiers ».

Et puis – le séisme du 12 janvier 2010.  Une autre retard. Non pas en termes de dommages, mais parce que après le désastre, l’UE a eu – légitimement – d’autres priorités pendant plusieurs mois.

Retards à la douane

En plus des retards dans le décaissement, la douane haïtienne porte une part de responsabilité dans la lenteur du projet d’après plusieurs acteurs, qui ont fait savoir que les matériaux y sont restés bloqués pendant des mois.

Sans surprise, car le port et la douane haïtienne sont mondialement réputés pour leur inefficacité et la corruption.

Une étude menée par la Banque Mondiale et citée dans le journal Miami Herald démontre que le port haïtien coute aux commerçants et aux importateurs deux fois ce qu’on paie en République Dominicaine, et que le dédouanement peut prendre trois fois plus de temps.

Cité dans le même article, publié en juillet 2010, Hughes Desgranges, un conseiller à l’Autorité Portuaire Nationale, admet que ce port s’apparente beaucoup plus à un «  programme social » qu’à un « programme commercial », en raison des salaires consacrés à des centaines d’employés fantômes ou du moins à des employés qui ne sont pas nécessaires.

« Ce port pourrait être un moteur économique, mais il est mal géré », raconte-t-il.

Tous ceux qui ont participé au projet de l’eau ont critiqué la douane, comme Hypolite de GRET, qui a fustigé : « les pompes on été bloquées ». 

 

 Une femme avec un sceau de cinq gallons d'eau. [Photo - James Alexis]

Projet presque terminé, mais l’eau ne coule pas encore

Finalement, près de deux ans plus tard, les travaux sont presque terminés, mais avancent à pas de tortue. Les ouvriers ne viennent pas travailler tous les jours et l’achèvement n’a pas eu lieu comme annoncé pour le 31 octobre. (Cependant, il y a des indications qui montrent que l’eau coulera dans les semaines à venir.)

« Pas mal de retards ont été pris dans l'interconnexion du réservoir avec le réseau », admet Bazin de UE dans un entretien avec AKJ le 27 septembre 2011. « La situation aujourd'hui, c'est que l'entreprise va installer des vannes à la sortie du réservoir pour nous permettre d'assurer son remplissage et son fonctionnement normal ».

La frustration de Bazin étaient claire.

« Quand les choses marchent bien, on ne dit pas que c'est UE qui a tout fait pour que ça marche » déclare Bazin sous un ton un peu ironique. « Et de la même manière, ce n'est pas UE qu’on devrait blâmer [seulement] quand ça marche mal »..

Les raisons pour le « marche mal » sont plusieurs : retards dans le décaissement des fonds, dans le dédouanement du matériel, et les deux études.

Mais aussi, c’est peut-être à cause de la multiplicité des acteurs? Divers bureaux de l’Etat, de l’UE, une ONG et trois firmes privées…

Et, pourquoi trois-quarts du budget (75 millions de gourdes or 1,875 millions $US) ont été consacré à la « réhabilitation du réseau » et l’« accompagnement social »? Pourquoi ne furent pas ajustés les budgets après la deuxième étude afin de construire un réservoir de 1200 m3?

AKJ ne pouvait pas enquêter sur tous les aspects de ce projet complexe, mais il est probable que la blâme ne resterait pas seulement avec l’une ou l’autre. Tandis que les pourcentages de blâme ne sont pas connus, plusieurs choses sont connues : Il y a un nouveau réservoir, mais avec un tiers moins de capacité qu’était prévu initialement. Il y a des kiosques. Et des tuyaux.

Mais la mise en œuvre d’une bonne solution à un défi quotidien pour 25 000 personnes a pris plus de cinq ans, au lieu de 18 mois, et le réservoir a une capacité réduite pour ce qui est probablement une population plus large.

Pendant que un garçon va à l'école, deux filles portent de l'eau. [Photo - James Alexis]

Nadège Thermilus, jeune chômeuse âgée de 22 ans, espère grand. A l’instar de ses amis se tenant à ses cotés, elle va puiser son eau dans un lieu qu’on appelle « sous les mornes », dont la distance peut-être évaluée à deux heures aller-retour, selon ses pairs.

Avant de retourner « sous les mornes », elle a lancée : « Je souhaite que l’eau vienne, parce que j’ai vécu trop de misère en allant la chercher ».

 

Ecoutez les auteurs sur Melodie FM

 

 

Les étudiants du Laboratoire de Journalisme de l'Université d'Etat d’Haïti, ont collaboré à cette série.

Ayiti Kale Je est un partenariat établi entre AlterPresse, la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS), le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et les radios communautaires de l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA).

Monday
Aug222011

Victimes du 12 janvier - Abandonnés, comme un chien errant

Près de quatre-vingt mille minuscules maisons jonchent les collines de la capitale haïtienne et d’autres régions dévastées par le séisme du 12 janvier 2010, qui a emporté 230 000 âmes, endommagé ou détruit 171 584 maisons et déplacé des millions de personnes.

La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH), dirigée par Bill Clinton, a approuvé des budgets totalisant 254,5 M$ pour des projets de reconstruction, de rénovation et de réparation de plus de 41 700 unités d’habitation.

Le nouveau gouvernement haïtien, dirigé par le chanteur  Michel Joseph Martelly, a récemment organisé la « semaine de la reconstruction ». Parmi les activités, M. Clinton et le Président ont inauguré une « exposition de domiciles » avec plus de 60 maisons modèles et un nouveau programme hypothécaire appelé « Kay Pa M », en français « Ma maison ».

Stratégie annoncée par les agences internationales et le gouvernement
en novembre derner. A-t-il été suivi?
Source: Shelter Cluster

Peut-on insinuer que la reconstruction a bien commencée? Les 634 000 personnes vivant encore dans les 1001 camps, comme les autres dizaines de milliers vivant dans des structures peu sécuritaires, voire condamnées, pourront-ils bientôt déménager dans un domicile sécuritaire?

Ayiti Kale Je a décidé d’y regarder de plus près. Son équipe de journalistes des radios commautaires, d’étudiants et de journalistes ont parlé à ceux qui vivent dans les camps, aux organisations humanitaires et aux autorités de la capitale, de la région des Palmes en particulier, soit les municipalités de Léogâne, Petit-Goâve et Grand Goâve, situés près de l’épicentre du tremblement de terre, où 150 000 personnes se sont retrouvées sans maison et où s’entassent encore environ 24 000 personnes, ou 7500 familles, dans des camps.

Dix-sept mois après le séisme, voici ce qu’ils ont trouvé :

•  Les travaux de réparation et de construction de 68 025 unités qui seront effectués ne compte que pour environ 22 pour cent (22%) des 304 060 familles victimes enregistrées. (De nos jours, la population dans les camps a diminué, ce en raison de divers facteurs, dont les expulsions de plus de 50 000 personnes, ainsi que le retour de milliers de familles dans des logements dangereux.)

•  La plupart des programmes et des projets annoncés à ce jour excluent les centaines de milliers de victimes qui étaient locataires avant le séisme.

•  Au moins 5 400 des unités qui seront construites ou réparées sont dans le département du Nord d’Haïti, loin de l’épicentre du séisme et de ses victimes, mais tout près de la zone où les compagnies étrangères prévoient un nouveau parc industriel d’usines de montage à faibles salaires.

•  Les propriétaires terriens et du bâtis sont les principaux groupes bénéficiaires des 116 000 T-Shelters (abris « transitionnels » ou « temporaires »), qui coûtent plus de 200 M$ US aux agences humanitaires et à leurs donateurs. Cependant, sur les 304 020 familles déplacées, plus de la moitié – soit environ 173 000 – n'avaient pas une maison ou un terrain avant le séisme.

•  La plupart des camps de la région des Palmes, et d’ailleurs du pays, manquent d’installations hydriques et sanitaires adéquates. Les gens se baignent souvent, voire se soulagent, à ciel ouvert, utilisent de l’eau non chlorée, manquent d’installations où se laver les mains et vivent dans des conditions sordides et sous-humaines, dans un pays où, tous les jours, des centaines de personnes contractent le Vibrio cholerae.

•  Aucune agence – nationale ou internationale – ne sert d’instance coordonnatrice pour la reconstruction de maisons, bien qu’on semble enfin voir des progrès en ce sens.

Par contre :

•  Beaucoup des 116 000 T-Shelters peuvent se classer comme « semi-permanents » ou mieux, car ils sont construits de matériaux résistants sur des fondations solides, qui peuvent être renforcés ou agrandis.

•  Les projets de reconstructions dans la capitale, qui sont évalués à plusieurs millions de dollars américains, promettent de réhabiliter des quartiers où vivent au moins 80 000 familles.

Louise Delva, d'un camp au Petit-Goâve, indiquant où elle et les autres
résidents du camp vont aux toilettes
à ciel ouvert.

Louise Delva, qui n'a pas obtenu un T-Shelter, et qui ne fait pas partie des projets de reconstruction, vit dans une tente pourrie dans le camp « Regal » avec ses enfants près d'une rivière que les réfugiés utilisent comme latrine. Pendant une semaine en juin, 21 des résidents du camp ont été frappés par le choléra. Elle se dit oubliée :

« Ils disent que nous avons des dirigeants? Nous n'avons pas de dirigeants dans ce pays. Ils nous ont abandonné, comme un chien errant ». 

Lisez aussi : 

« On transite vers quoi? »

« Manquer d’argent, ce n’est rien… »

 

Regardez la vidéo, avec visites aux trois camps


Monday
Jul182011

Argent contre Travail – à quel prix ?

« Pour travailler au sein du programme il faut négocier. »

« Certains d’entre nous devons endurer le harcèlement sexuel pour gagner cette maigre pittance.»

« Les chefs d’équipe… donnent du travail à leur famille et leurs petites amies.»

« Ici nous ne croyons pas que ces emplois sont à notre avantage. »

Publié le 18 juillet 2011

Ce sont les propos des bénéficiaires directs d’un programme dit humanitaire dans la zone Ravine Pintade, un quartier de la capitale d’Haïti.

Il ne s’agit pas de commentaires occasionnels. Et, il ne s’agit pas d’un programme unique.  C’est un des dizaines de programmes « Cash for Work » (Argent contre Travail) qui existent à travers les pays.

Une enquête approfondie du programme a découvert:

•    La corruption – Trente pour cent (30%) des bénéficiaires affirment avoir donné des pots-de-vin pour obtenir ce travail.

•    Les abus sexuels – Dix pour cent (10%) des bénéficiaires femmes jurent qu'elles, ou leurs amies, ont étés obligées de donner des faveurs sexuels pour obtenir un poste.

•    Le conflit social – Plusieurs bénéficiaires et leurs voisins témoignent d’une augmentation des conflits entre les habitants des quartiers et les « chefs ».

Apres des rumeurs sur la corruption et autres pratiques malsaines dans un programme Cash for Work exécuté par CHF International (Cooperative Housing Foundation International) à Ravine Pintade, les étudiants du Laboratoire de Journalisme de l’Université d’Etat d’Haïti ont entrepris des recherches.

Avec Ayiti Kale Je (AKJ) – un partenariat entre l’agence en ligne AlterPresse, la Société pour l’animation de la communication sociale (SAKS) et des radios communautaires – ils ont enquêté pendant deux mois pour trouver des réponses aux questions : Comment être admis au programme Cash for Work et quels sont ses impacts sur les bénéficiaires?

Vaut-il le prix?

Cash for Work (CFW) est l'un des programmes qu’utilisent diverses institutions gouvernementales et des organisations non gouvernementales (ONG) après un désastre pour donner du travail et pour faire circuler de l’argent dans l’économie du pays.

En Haïti, le Gouvernement et les agences multilatérales et bilatérales ainsi que plusieurs organisations travaillant dans le domaine humanitaire, utilisent le Cash for Work pour nettoyer la capitale haïtienne et d’autres villes durement frappées par le séisme du 12 janvier 2010.

Dans le langage humanitaire, les programmes « Cash for Work » sont aussi appelés programmes « Livelihoods » (« de subsistance ») ou à « Haute intensité de main d’œuvre » (HIMO). [Ayiti Kale Je a déjà réalisé une sérié d’articles de portée globale sur Cash for Work.]

L’enquête d’AKJ, réalisée à l’automne 2010, a étudié les effets négatifs potentiels
des
programmes CFW sur l’économie haïtienne, sur la perception populaire du rôle
du gouvernement et des ONG, sur la production agricole et sur l’éthique de travail.
Cette photo du Plateau Central est typique : deux personnes travaillent pendant
que cinq autres les surveillent. 
Photo: HGW

Généralement, les bénéficiaires travaillent durant deux à quatre semaines, à raison de six jours par semaine au tarif du salaire minimum – 200 gourdes, à peu près 5 dollars américains par jour – à nettoyer les ravines et les rues, au curage des ravines, et à la réhabilitation des infrastructures (canaux d’irrigation). Le chef d’équipe ou « foreman » reçoit le double du salaire d'un journalier, soit 10 dollars américains, selon un document de CHF obtenu par Ayiti Kale Je.

Vue de l’un des versants de la ravine. Pour plus d’information sur la ravine
et sur le programme Katye de la CHF internationale, qui inclut l’argent
contre travail, voir cet article.
Photo: HGW

Malgré le fait qu'ils sont censés être utilisés uniquement dans les mois qui suivent immédiatement un désastre, il y a encore beaucoup de programmes CFW en cours actuellement en Haïti.

Par exemple, d’après les documents du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et du Programme Alimentaire Mondial (PAM), de janvier à août 2010, 120 000 personnes ont bénéficié d’un emploi et ce nombre pourrait atteindre 300 000 d’ici septembre 2011. Plusieurs agences telles que : Oxfam, Mercy Corps, Tear Fund, Action Contre la Faim et tant d’autres ont eu recours aux programmes CFW dans les six premiers mois après le 12 janvier 2010.

Dans son « Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti » (PARDH) [PDF], le  gouvernement haïtien applaudit les “emplois à haute intensité de main d’œuvre” et il réclame 200 millions dollars américains pour 200 000 emplois par jour pendant les 18 mois après le désastre. Il dit :

Au-delà de ses effets économiques, cette création d’emplois répond à un souci de placer le plus rapidement possible la nation haïtienne dans la voie du relèvement et de raccourcir autant que possible une phase humanitaire vitale mais qui risque de mettre une large couche de la population en situation de dépendance. Créer des emplois d’utilité publique redonne un sens et une dignité à tout Haïtien qui souhaite pouvoir subvenir à ses besoins par le fruit de son travail.

Les haïtiens dans les zones affectées, ont-ils vraiment évité une « situation de dépendance » ?

Les travailleurs des CFW, ont-ils tous un sentiment de « dignité »?

Non, selon ce que les journalistes d’AKJ ont trouvé.

Ces programmes – et tous les programmes du genre – peuvent jouer un rôle important après une catastrophe et dans toute économie, mais, comme le savent les agences humanitaires et de développement, comportent aussi des risques. Un des manuels clés, le « Guide to Cash for Work Programming », (« Guide sur les programmes Argent contre Travail ») de Mercy Corps les souligne clairement : entre autres, la corruption, le mauvais ciblage et la création de « dépendance ».

Chartre du manuel de Mercy Corps.

Dégâts et dérives

Une investigation sur le programme CFW de CHF International pendant deux mois a révélé que le manuel de Mercy Corps est visionnaire. D’après les bénéficiaires, le programme Cash for Work à Ravine Pintade est entaché de corruption, d’exploitation sexuelle, de conflits sociaux et de gaspillage.

Parmi les 50 bénéficiaires interrogées, près du tiers (30%) affirment avoir été victimes de corruption ou d’exploitation. D’autres qui n’étaient pas encore bénéficiaires (les journalistes en ont interrogé 50), déclarent qu’ils étaient au courant des actes de corruption et d’abus de pouvoir. Voici les résultats de l'investigation.

N.B. – Les journalistes n’ont pas pu confirmer les affirmations des habitants de la Ravine Pintade. Cependant, en dépit du fait que les histoires se ressemblent et que les études réalisées par d’autres institutions en Haïti et ailleurs parlent de l’incidence de corruption et d’autres phénomènes, les journalistes présument qu’il y a au moins certains éléments de vérité dans les histoires qu’ils ont entendues.

Les travailleurs CFW d’une autre organisation – Project Concern International – vident
les décombres un bloc et un seau à la fois.
Photo: HGW

Les chefs d’équipe transformés en « patrons tout-puissants »

Les autorités de la CHF ont précisé qu’ils ont réalisé un recensement à partir duquel les gens les plus vulnérables sont leur principale cible dans la distribution des travaux CFW.

« Ce programme vise à donner de l’emploi aux gens les plus démunis de la Ravine Pintade », affirme Emmanuel Whapo, Coordonnateur de CHF International qui travail sur le terrain.

Cependant, un document de promotion laisse entendre que les chefs d’équipe et « leaders » de la zone ont beaucoup de poids dans le choix des éventuels bénéficiaires : « CHF de concert avec les comités de quartier ont procédé au choix des travailleurs… »

Sur place, les journalistes ont constaté que la majorité des travailleurs ne paraissent pas être « les gens les plus démunis. » Au contraire, les travailleurs semblent plutôt des jeunes garçons et femmes en bonne santé, pleins de fougue. D’après les travailleurs et les chefs d’équipes eux-mêmes, les chefs sont directement responsables du recrutement. Ce sont eux qui déterminent les personnes qui vont bénéficier du « cash ».

Plusieurs résidants de la zone Ravine Pintade aimeraient travailler au sein du programme, malgré l’insuffisance de salaire – 200 gourdes par jour. Mais plusieurs d’entre eux avouent : il faut que les candidats aient des contacts personnels auprès des chefs d’équipe.

« Depuis le début de ce programme, nous n’avons pas eu la chance de travailler … Pas même un jour on ne nous a visités ici. Nous manifestons le désir de travailler, en dépit des misérables 200 gourdes. Mais il faut un ‘parrain’»,  s’indigna Jeanne César, une femme de 65 ans.

Les commentaires et allégations recueillis par les journalistes font écho à l’audit de l’USAID datant du 24 septembre 2010 sur le programme Cash for Work en Haïti [PDF], qui rapporte :

Puisque les emplois « argent contre travail » profitent amplement aux gens les plus  démunis, il est important qu’il y ait de la transparence dans le choix des bénéficiaires afin que le programme fasse preuve de justice…

De plus, comme il est aisé de détourner les bienfaits du programme, il faut un contrôle raisonnable pour éviter la corruption, le népotisme et les pots-de-vin.

Cet audit notait que, en 2010, CHF a choisi les bénéficiaires par l’entremise des « autorités locales et les leaders communautaires, des organisations communautaires apolitiques et le personnel des organisations partenaires ».

Plus récemment, une étude du PNUD a revelé le même type de problèmes. Une présentation « Powerpoint » appelée « Preliminary lessons learnt from Cash Programming in Haïti », (« Premières leçons tirées des programmes ‘cash’ en Haïti ») projetée lors d’une rencontre du 16 février 2011, a souligné qu’à Grand Goâve, le Lutheran World Foundation était confronté à de graves « difficultés, car les autorités du gouvernement et les gangs locaux armés s’entredéchiraient pour s’assurer que dix pour cent (10%) de leurs partisans figurent parmi les listes ». Cette même étude confirme qu’Oxfam a reçu « une liste de la mairie... truffée de fantômes ».

 Diapositive tirée d’une présentation du PNUD.

Un ancien chef d’équipe à Ravine Pintade confirme le même phénomène de corruption et d’abus de pouvoir au sein du programme CHF.

« Ici, les chefs d’équipe sont les seuls chefs, ils donnent du travail à leurs ami(e)s et ce qui est décevant c’est que plusieurs membres de leur famille travaillent au sein du programme alors que les bénéficiaires visés ne sont pas encore embauchés. Il y a des gens qui travaillent depuis le commencement du programme jusqu'à maintenant », a précise Jean Bernard Chaperon, ancien Conseiller de l’Association des Jeunes Progressistes d’Haïti (AJPH), qui vit dans le quartier depuis plus de 40 ans.

Chaperon a confirmé qu’il a laissé sa position de « chef » parce qu’il était victime lui aussi de corruption, pour un malentendu à propos d’un pot-de-vin de 1300 gourdes.

Whapo, un employé de la CHF sur le terrain, affirma être au courant des malversations au sein du programme mais a précisé qu’il n’est pas de sa compétence d’intervenir dans les conflits communautaires.  

« Nous avons reçu beaucoup de plaintes des bénéficiaires mais nous ne sommes pas là pour aider la communauté à résoudre ses conflits. C’est aux habitants de trouver une entente. Il faut laisser à la communauté le soin de résoudre elle-même ses problèmes », admit Whapo.

On paie pour être payé

Trente pour cent (30%) des bénéficiaires contactés par les journalistes admettent avoir payé pour, ou s’être fait demander de payer pour trouver ou maintenir du travail.

« Je suis victime de leur agression par ce j’avais décidé de ne pas redonner une partie de mon salaire. Depuis lors, je ne travaille plus au sein du programme », raconta Jeannette Romelus, l’épouse du Pasteur Romain Romelus.

« Les responsables d’équipes ont réclamé à chaque bénéficiaire 150 gourdes pour pouvoir continuer à travailler dans le programme », soit 150 gourdes des 2400 gourdes reçues pour 12 jours de travail, a fait savoir son épouse, le Pasteur Romelus.

« Les chefs d’équipe ne sont pas qualifiés, il y en a qui ne savent même pas lire. Ils ont ce travail parce qu’ils savent mettre de la pression sur les gens… Si on ne paie pas on ne va pas continuer à bénéficier du travail », admet avec colère Sylvain Ronel, bénéficiaire direct du programme.

D’après l’ex-chef d’équipe Chaperon, il y a un autre chef qui a l’habitude de dresser une liste préétablie et de réclamer des bénéficiaires 500 gourdes en coulisse.

Ce même chef d’équipe a fait pression sur les bénéficiaires au moment où les journalistes réalisaient une visite de terrain. Sans surprise, les bénéficiaires se sont repliés sur eux-mêmes et n’ont pas répondu aux questions. Car, si on dénonce, on ne va pas continuer à bénéficier du programme.

Quelques-unes des programmes Argent contre Travail
à Port-au-Prince, avril 2010.

Négociation sexuelle

Ce qui est beaucoup plus triste c’est que certaines femmes avouent que beaucoup d’entre elles négocient leurs corps en contrepartie d’un emploi. La plupart ont dit que « des amis » ont « négocié » pour elles, mais aucune d'entre elles n’admet avoir été victime.

Pourtant, Claire Desrosiers Maryse a déclaré : « Je ne vais pas accuser quelqu'un en particulier, mais beaucoup de femmes vendent ce qu'elles ont pour trouver un emploi ».

Armelle Desrosiers, une femme qui travaille au sein du programme, dénonça les abus dont sont victimes ses co-équipières pour recevoir un maigre salaire.

« Les chefs d’équipe ont l’habitude de marchander la conscience des femmes et leur demandent d’avoir des relations sexuelles avec elles pour obtenir du travail », admit-elle.

Malgré l’impossibilité de confirmer les dénonciations des bénéficiaires et résidants de la zone à propos de l’exploitation sexuelle, dans diverses occasions, les journalistes ont pu observer que certains chefs d’équipe harcèlent des femmes sur le site.

De plus, cette situation a été confirmée par un rapport du PNUD ainsi que par Save the Children, qui indique que les membres du comité ont demandé des « faveurs sexuels » pour faire figurer des personnes sur les listes de bénéficiaires.

Cependant, interrogé à ce sujet, l’un des chefs, Reginald Luxama, a nié de tels actes. Il a précisé : « Ici, il n’y a pas ce genre de chose, d’ailleurs, la communauté a confiance en nous ».

CHF n’est pas satisfait du programme non plus, mais pour d’autres raisons…

Les autorités de la CHF admettent que le programme comporte pas mal de problèmes. Mais plutôt que de se concentrer sur la corruption, les agents sur le terrain ont mis l’accent sur l’efficacité.

« Pour moi, le Cash for Work est un gaspillage à cause du manque de volonté réelle des bénéficiaires de s’impliquer dans une dynamique de déblayage de leurs zones », selon Anne Young Lee, directrice du projet « Katye » de CHF.

« Les gens ne sont pas fiers de ce qu’ils font dans ce système. Ils ne travaillent pas, restent oisifs et reçoivent de l’argent… Je n’aime pas la mentalité du Cash for Work, pour faire du bon travail on doit changer de système », poursuit la directrice de Katye.

CHF est en train de remplacer le « Cash for Work » par le « Cash for Production » (« Argent contre Productivité »), où les travailleurs vont recevoir de l’argent pour le montant réel des travaux effectués, plutôt que d'être payés pour être présent seulement. [Voir notre série précédente sur la façon dont les travailleurs CFW ne sont pas toujours « au travail ».] Ainsi, la CHF souhaite une amélioration en termes d’efficacité.

Mais…

Même si ce nouveau programme rend plus efficace le déblayage des quartiers, cela va-t-il résoudre les problèmes de corruption, d’exploitation sexuelle et de conflits sociaux?

Peut-être la mauvaise « mentalité » dont parle Young est le fruit du system de recrutement et de la corruption ?

D’autres institutions mettent en œuvre le Cash for Work à travers le pays. Est-ce qu’elles ont trouvé une manière de se protéger de ce genre de corruption ?

Est-ce que l’Etat – qui accorde les pleins pouvoirs aux organisations comme le CHF pour organiser les programmes à haute intensité de main d’œuvre – trouvera une solution aux dangers dans l’utilisation du « cash » dans les nombreux programmes «d'urgence» et de «développement» ?

Et, quels sont les effets à long terme de ces programmes – qui renforcent un système de « gwo chef » (« patron tout-puissant ») – dans la société haïtienne ?

Pour en savoir plus sur le programme Katye et sur CHF International dans cette histoire.

Lire la réaction CHF

 
 

Les étudiants du Laboratoire de Journalisme de la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'Etat d’Haïti ont collaboré à cette série. Une étudiante de l'Atelier de Journalisme d'Investigation (Investigative Reporting Workshop) de American University a également aidé.

Ayiti Kale Je est un partenariat établi entre AlterPresse, la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS), le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et les radios communautaires de l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA).

Pour réaliser cette étude, pendant deux mois (mars 2011 et avril 2011), les journalistes ont interviewé 50 bénéficiaires du programme à travers 5 sections de la Ravine Pintade, 50 personnes qui n’avaient pas encore bénéficié du programme, 5 chefs d’équipe (ceux qui ont choisi les travailleurs) et 3 représentants de la CHF International. Les journalistes ont consulté également les études et les rapports de CHF ainsi que ceux publiés par d’autres organismes sur le programme Cash for Work.

 

Thursday
Jun092011

Derrière les portes closes de la "reconstruction" de la Capitale

Port-au-Prince 9 Juin 2011 - Pourquoi la reconstruction tarde encore à commencer à  Port-au-Prince, la capitale haïtienne, gravement dévastée par le tragique séisme  du 12 janvier 2010 ?

Pourquoi y a t-il encore des tentes qui entourent le Palais national, ce, sous les regards silencieux des statues des héros de l’indépendance et des dirigeants ?
 
Pourquoi les planifications et les décisions sont  réalisées à huis clos, avec des contrats secrets que personne ne voit?
 
Pourquoi les bénéficiaires – la majorité pauvre de la population haïtienne – sont également mis à l'écart des planifications et dans l'obscurité?

Source: CHF International

Deux nouvelles enquêtes d’Ayiti Kale Je et d’étudiants du Laboratoire du Journalisme de l'Université d'État d'Haïti (UEH) ont essayé de comprendre ce qui bloque la reconstruction du centre-ville, et pourquoi il y a toujours des milliers de familles au Champ de Mars.

Les journalistes ont constaté un manque de transparence, un manque de coordination, la rivalité, et parfois un désaccord catégorique, dans un contexte où aucune autorité unique semble avoir une idée complète de ce qui se passe. Et où aucune accepte la responsabilité globale.

Les résultats de l’impasse ou du moins la confusion? Des milliers de familles bravant les pluies, les vents et le choléra sous des bâches et des conditions infrahumaines, des financements non décaissés, et un centre-ville en ruines caractérisé par des parcelles vides et des entreprises souffrent financièrement.

Lisez les deux séries ici

   Impasse ? Qu’est ce qui bloque la reconstruction de la Capitale ?

   Sous les regards des héros

Les étudiants du Laboratoire de Journalisme de la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'Etat d’Haïti ont collaboré à cette série.

Ayiti Kale Je est un partenariat de AlterPresse, la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS), le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et les radios communautaires de l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA).

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